Mettre fin au contrat de collaboration est un moment important. Que vous soyez collaborateur ou collaborant, vous avez quelques règles à respecter et notamment un délai de prévenance. Nous vous guidons sur ces différents aspects.
La rupture du contrat de collaboration, qu’elle soit à l’initiative de l’avocat collaborateur libéral ou du cabinet, répond à des règles de confraternité et de délicatesse de la profession d’avocats. S’il n’y a pas de formalisme particulier, vous devez en revanche respecter un délai de préavis, également appelé “délai de prévenance”.
Quelles sont les règles pour rédiger une lettre de rupture de collaboration ?
Quelles informations mettre dans la lettre ?
La rupture n’obéit à aucun formalisme, mais il est tout de même recommandé de la matérialiser au travers d’un écrit. Le collaborateur libéral n’est pas du tout dans l’obligation de justifier les motifs de la rupture. En cas de conflit sur les modalités de la rupture, la charge de la preuve pèse sur le cabinet. Il est donc fortement recommandé au cabinet de s’assurer que la rupture a été documentée.
Les éléments essentiels d’une lettre de rupture sont les suivants :
- « Prénom et Nom du collaborateur libéral »
- « Adresse »
- « Code postal + Ville »
- « Société »
- « Prénom et Nom du représentant »
- « Fonction »
- « Adresse »
- « Code postal + Ville »
- Lettre recommandée avec accusé de réception n° « 1A XXX XXX XXX X » ou Lettre remise en main propre contre décharge.
- A « lieu », le « date »
- Objet : rupture de contrat de collaboration libérale
Dans le corps de la lettre :
- « Chère consoeur / Cher confrère », [Dans tous les cas] Je souhaite par la présente mettre fin au contrat de collaboration qui nous lie.
- [Option 1 : si vous souhaitez exécuter votre préavis] : Dès lors, mon départ sera effectif à l’expiration de mon préavis (d’une durée de « durée du préavis »).
- [Option 2 : si vous souhaitez négocier votre préavis] : Bien que mon départ soit conditionné au respect d’un préavis (d’une durée de « durée du préavis »), je souhaiterais négocier une date de départ anticipée et ainsi être libéré de l’exécution de « la totalité / d’une partie » de celui-ci.
- [Dans tous les cas] : À l'expiration de mon contrat de collaboration, je vous demanderai de bien vouloir rendre accessibles dans les meilleurs délais : mon certificat de travail, l’ensemble de mes dossiers et correspondances personnelles, y compris électronique, et de détruire toute copie sur les ordinateurs du cabinet, la documentation réunie au cours de ma collaboration, tout article, publication ou ouvrage rédigé ou co-rédigé.
- Je me tiens à votre disposition pour déterminer une date de départ effective au regard de ma situation.
- Veuillez agréer, « Chère consoeur / Cher confrère » l’expression de ma considération distinguée.
- « Prénom Nom du salarié »
- « Signature »
Il appartient au collaborateur d’adapter le contenu de la lettre en fonction des éléments qu’il estime essentiels de récupérer.
Bon à savoir : les règles déontologiques de la profession d’avocat sont claires sur l’obligation de respecter la confraternité et la délicatesse à chaque instant de l’exercice de la profession. Il en est de même pour la rupture du contrat de collaboration, qui peut être considérée comme brutale et vexatoire et entraîner des dommages et intérêts pour le collaborateur qui en est victime.
Quelques exemples de situations ayant donné lieu à des décisions entraînant des dommages et intérêts :
- La rupture d’un contrat intervenue la veille du mariage du collaborateur libéral : le cabinet en était informé et le collaborateur n’avait pas été mis au courant des difficultés particulières dans l’exécution de ses missions. (CA Paris, 17 septembre 2014) ;
- La rupture accompagnée de promesse au collaborateur qu’il va être payé en le maintenant dans une précarité financière psychologiquement insupportable (Bâtonnier de Paris, 5 février 2015, décision n°721-261704) ou d’une résistance abusive dans le règlement de la rétrocession d’honoraires (Bâtonnier de Paris, 27 juin 2011, décision n°721-214225) ;
- La rupture intervenue seulement sept jours après un entretien annuel d’évaluation positif sans qu’aucun fait nouveau, ni aucune explication de la part de l’associé, ne justifie ce revirement (Bâtonnier de Paris, 19 janvier 2015, décision n°723-246054).
De même, le collaborateur libéral doit respecter les règles déontologiques de la profession jusqu’à son départ effectif du cabinet, comme par exemple l’obligation de loyauté. Y contrevenir pourrait amener le collaborateur à devoir réparer le préjudice subi par le cabinet. Le collaborateur doit ainsi ainsi éviter de :
- démontrer un défaut d’implication, de travail en commun et de dialogue incompatibles avec l’exécution normale de votre contrat ;
- une attitude de dénigrement du cabinet auprès des clients ;
- d’une désorganisation volontaire des dossiers ou de tout acte caractérisant un détournement de clientèle.
Quelle que soit la partie à l’initiative de la rupture, nous vous recommandons de parler de la rupture de vive voix avant de la documenter par écrit pour que la situation se passe du mieux possible.
Comment envoyer la lettre de rupture et quand ?
Les modalités d’envoi de la lettre sont simples :
- soit vous la remettez en main propre au cabinet qui devra la signer ;
- soit malheureusement, il pourrait y avoir des tensions, alors privilégiez le courrier recommandé avec accusé de réception.
Le délai de prévenance commence alors :
- à la date de remise en main propre du courrier ;
- ou à la date d’envoi de la LRAR.
A savoir : Le cabinet ne peut mettre fin au contrat de collaboration dès lors que le collaborateur a été arrêté pour raison de santé avec preuve à l’appui. Il bénéficie d’un régime de protection pendant 6 mois à compter de l’annonce de son indisponibilité.
Le cabinet ne peut pas non plus mettre fin au contrat si la collaboratrice libérale est enceinte après la déclaration de grossesse, ni durant son congé maternité, jusqu’à 8 semaines après son retour. Si une rupture est prononcée et que la collaboratrice prouve sa grossesse dans les 15 jours, la rupture sera annulée. De son côté, l'avocate collaboratrice peut rompre le contrat avant ou après son congé maternité, en respectant le délai de prévenance.
Sauf faute grave non liée à la situation familiale, le cabinet ne peut pas mettre fin au contrat si le collaborateur s'apprête à devenir père ou s'il vient d’adopter. Cette protection s’étend jusqu’à 8 semaines après son retour de congé paternité ou d’adoption. Si le cabinet tente de rompre le contrat, le collaborateur dispose de 15 jours pour attester de sa future parentalité, ce qui annulera la rupture.
Quelles sont les règles à respecter pour le délai de prévenance ?
Quand débute le préavis et combien de temps dure-t-il ?
Le délai de prévenance, autre nom du préavis, est la période de temps entre la notification de rupture du contrat de collaboration et la sortie effective du collaborateur du cabinet d’avocats. Il est important de préciser que ce délai est supplétif : il ne s’applique qu’à partir du moment où les parties ne se sont pas accordées sur un autre délai.
Le préavis commence à courir à compter de la remise de la lettre de rupture. Sa durée peut être raccourcie si vous avez conclu un accord avec le cabinet. Sinon, la durée variera selon :
- la situation du collaborateur : en période d’essai ou non ;
- et la durée de son expérience au sein du cabinet.
Ainsi :
- en cas de rupture pendant la période d’essai (qui dure 3 mois maximum) ; le préavis est de 8 jours ;
- passée la période d’essai, le préavis est de trois mois minimum. Ce délai sera augmenté d'un mois par année au-delà de trois ans de présence révolus, sans qu'il puisse excéder six mois. Cela donne les durées suivantes :
- 3 mois jusqu'à 4 ans de présence du collaborateur au sein du cabinet ;
- 4 mois à partir de 4 ans de présence du collaborateur au sein du cabinet ;
- 5 mois à partir de 5 ans de présence du collaborateur au sein du cabinet ;
- 6 mois à partir de 6 ans de présence du collaborateur au sein du cabinet.
Que se passe-t-il pendant le délai de prévenance ?
Le délai de prévenance ne doit rien changer à la nature des activités du collaborateur au sein du cabinet jusqu’à la sortie effective de la structure. Les deux parties ont ainsi des obligations pour permettre la poursuite des activités dans des conditions “normales et loyales” selon les règles de la profession. De manière non exhaustive, cela comprend :
- L’accès aux locaux du cabinet et à une structure d’accueil, de travail et de réception en son sein, que ce soit pour traiter les dossiers relatifs aux cabinets, mais aussi ceux issus de la clientèle personnelle du collaborateur libéral, s’il a pu en constituer une ;
- Le cabinet doit permettre au collaborateur d’exercer son activité dans le respect du principe essentiel du secret professionnel en ne prenant pas l’initiative d’ouvrir les courriels ou courriers adressés au collaborateur ;
- Le versement de la rétrocession d’honoraires habituelle comme convenue dans le contrat ;
- Ce versement peut être stoppé si le collaborateur, durant le délai de prévenance, ne permet pas au cabinet d’assurer son remplacement et la succession dans la gestion de ses dossiers.
Si la rupture est à l'initiative du cabinet, il est de bon ton que ce dernier permette au collaborateur de préparer la suite.
Dans le cas où une autre collaboration a été trouvée avant la fin du délai de prévenance, le maintien ou non de la rémunération dépendra du contenu de l’éventuel accord conclu avec le cabinet avec lequel il y a eu rupture. Il est par exemple possible que le collaborateur n’exécute pas l’intégralité du délai de prévenance pour commencer dans un autre cabinet, tout en percevant une rétrocession d’honoraires de la part du cabinet qu’il a quitté jusqu’à la fin du délai de prévenance prévu dans le contrat.
Important ! Le cabinet peut décider seul de mettre fin au délai de prévenance et à la domiciliation s'il survient un « manquement grave flagrant aux règles professionnelles » conformément au RIN. Le cabinet doit prouver clairement que le collaborateur a effectivement commis ce manquement. La Cour de Cassation a défini la notion de manquement grave aux règles professionnelles de l’avocat collaborateur comme « toute méconnaissance par l’avocat des obligations légales, réglementaires ou contractuelles, qui porte atteinte aux principes essentiels de la profession » (C. Cass, 15 mai 2024, n°22-24.739).
Dans cette affaire, la Cour de Cassation avait suivi la décision de la Cour d'appel qui avait jugé que les manquements (ici il s'agissait d'absences répétées, manque de travail, défaut de compte rendu, défaut de collaboration aux activités du cabinet, et manquements dans la gestion de dossiers) de la collaboratrice n'étaient ni suffisamment graves ni suffisamment établis pour justifier une rupture pendant l'arrêt maladie. La Cour avait également constaté que certains faits reprochés n'avaient pas été prouvés, ou étaient des incidents isolés qui avaient pu être corrigés. Selon les faits, l'avocate collaboratrice, avait signé un contrat de collaboration libérale avec la SCP à compter du 1er avril 2021, incluant une période d'essai de trois mois. Le 28 juillet 2021, alors qu’elle était en arrêt maladie, la SCP lui avait notifié la rupture de sa période d'essai.
Il faut garder à l’esprit par ailleurs que le seul fait pour le collaborateur libéral de préparer son départ du cabinet ne constitue pas un manquement grave.
Si le contrat de collaboration est rompu, l'avocat collaborateur doit demander à prendre les jours de repos rémunérés qu'il n'a pas encore pris, sur la base de cinq semaines de congés par an, soit 35 jours, comme le prévoit la loi, sauf meilleur accord. Sinon ils seront perdus. Nous conseillons de vérifier les jours de repos rémunérés restants et d’informer dès que possible le cabinet de l'intention de les prendre en indiquant les dates.
La rémunération des jours de repos rémunérés non pris n’étant pas le principe, elle est soumise à un accord entre le collaborateur et le cabinet.
Le calcul des jours de repos se fait selon la date à laquelle le contrat a été signé, et non selon l’année civile (en cas de début de collaboration le 1er septembre 2024 avec un accord sur 6 semaines de congés : 42 jours à prendre entre le 1er septembre 2024 et le 1er septembre 2025).
Exemple : pour un début de collaboration le 1er septembre 2021 et une rupture du contrat de collaboration le 1er juin 2024. Si le collaborateur a consommé 14 jours de repos rémunérés au 1e juin 2024 et qu’il a 6 semaines de repos rémunérés :
- Le préavis est de 3 mois soit jusqu’au 31 août 2024 ;
- Il a 42 jours de repos rémunérés (6x7) du 1e septembre 2023 au 1e septembre 2024 ;
- La date de la rupture du contrat de collaboration est le 1e juin 2024, soit 31,5 jours de repos acquis au prorata des 9 mois (42/12x9) ;
- Le collaborateur ayant consommé 14 jours au moment de la rupture, il lui reste 18 jours de repos rémunérés à prendre pendant le préavis (31,5 - 14).
Sources :
Règles de la profession d'avocats, section "Rupture du contrat de collaboration", p.1846 et s., Dalloz Action
FAQ "Contrat de collaboration", site web Conseil National des Barreaux
RIN articles 14.7 et s.