La collaboration libérale se définit par l'article 14 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocats comme "un mode d'exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination , par lequel un avocat consacre une partie de son activité au cabinet d'un ou plusieurs avocats.” Il est précisé par ailleurs que “Le collaborateur libéral peut constituer et développer une clientèle personnelle. ”
Elle est régie par les textes normatifs suivants :
Pour analyser le contrat de collaboration libérale, sa vie, et vous expliquer ses spécificités, il nous faut nous pencher sur les thématiques suivantes :
Les principales clauses que l’on peut y trouver et celles qui sont interdites ; Le principe de l'indépendance du collaborateur libéral caractérisé par le droit de développer une clientèle personnelle ; Le contrôle du contrat par l’Ordre des avocats du barreau a priori et a postériori pour garantir sa conformité aux règles déontologiques ; Les spécificités relatives à la rupture du contrat ; La procédure en cas de litige entre le collaborateur et le collaborant en première instance. Le contrat de collaboration libérale : quelles sont les clauses obligatoires et interdites ? Lors de la négociation sur le contenu de votre contrat, assurez-vous qu’il contiennent les mentions relatives aux sujets suivants :
La durée :déterminée : il faut mentionner la durée du terme et le cas échéant, les conditions du renouvellement, ainsi que la durée de la période d’essai qui ne peut excéder trois mois. indéterminée : prévoir également la durée de la période d’essai. Les modalités de la rémunération et de remboursement des frais professionnels : à ce propos, n’hésitez pas à entrer dans la négociation pour que cette première rémunération serve de référence. Les conditions d’exercice de l’activité et notamment celles dans lesquelles le collaborateur peut : développer sa clientèle personnelle ; garantir le secret professionnel et son indépendance liés au serment d’avocat ; demander à être déchargé d’une mission contraire à sa conscience. Les conditions et modalités de la rupture , dont le délai de prévenanceLes modalités de la suspension du contrat , en cas d’arrêt maladie, de congé paternité ou maternité, de congé d’adoptionLa durée des périodes de repos rémunérées Faites bien attention à relire votre contrat pour éviter toute clause qui serait considérée comme abusive . Voici une liste :
L’absence de clause limitant la liberté d’établissement ultérieure ; L'absence de clause de renonciation par avance aux clauses obligatoires ; L'absence de clause de participation de l'avocat collaborateur libéral aux frais entraînés par le développement de sa clientèle personnelle pendant les 5 premières années de collaboration ; L’absence de disposition limitant les obligations professionnelles en matière d’aide juridictionnelle et de commission d’office ; L’absence de clause susceptible de porter atteinte à l’indépendance de l’avocat. Vous trouverez un contrat de collaboration type ici .
Le développement de sa clientèle : quelle règle de concurrence ? Comme indiqué en début d’article, l’une des principales caractéristiques du contrat de collaboration libérale est le droit pour l’avocat collaborateur de développer sa propre clientèle.
L’avocat qui a ce statut consacre ainsi une partie de son activité au cabinet d’un ou plusieurs avocats tout en exerçant son activité en toute indépendance. Le RIN prévoit plusieurs dispositions pour garantir ce droit au collaborateur :
Le cabinet doit mettre à disposition du collaborateur les moyens matériels nécessaires aux besoins de sa collaboration et au développement de sa clientèle personnelle (article 14.2.2.1.) Le cabinet ne peut pas insérer de clause limitant votre liberté d'établissement après collaboration . Par ailleurs, il est précisé que “dans les deux ans suivant la rupture du contrat, l'avocat collaborateur libéral ou salarié devra aviser le cabinet dans lequel il exerçait, avant de prêter son concours à un client de celui-ci.” (article 14.7.6). Ce principe est rappelé dans l’article 7 de la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.aLe principe de loyauté vient encadrer à la fois la concurrence entre avocats, mais aussi la relation de collaboration. Ainsi, sauf action caractérisée par la déloyauté, il n’y a visiblement pas de limite à la concurrence de l’avocat collaborateur.
L’interdiction de la clause de non concurrence dans le contrat de collaboration n’est pas expresse dans les textes, mais ressort des éléments ci-dessus.
Les contrôles du contrat de collaboration par le Conseil de l'Ordre des avocats Quel processus de contrôle avant exécution du contrat de collaboration libérale ? Le contrôle effectué par le Conseil de l'Ordre a pour objectif de s’assurer de la présence des clauses obligatoires et de l’absence des clauses interdites .
Signature du contrat (J-0) .Communication du contrat à l'Ordre des avocats (J-0 à J+15) :Le contrat et ses avenants doivent être envoyés au Conseil de l'Ordre du barreau auquel est inscrit le collaborateur, par LRAR ou contre récépissé. Même système pour le contrat de collaboration inter-barreaux qui est par ailleurs accompagné d’une attestation sur l’honneur du collaborant certifiant son inscription au barreau et l’absence de sanction susceptible de faire obstacle au recrutement du collaborateur ; Le Conseil vérifie que le contrat respecte les règles de la profession d’avocats. Contrôle du Conseil de l'Ordre (J+15 à J+45) :Le Conseil dispose de 30 jours pour demander les modifications s’il constate effectivement la non conformité. Un recours est possible dans un délai d'un mois. L’exécution de la décision du Conseil de l’Ordre est suspendue pendant ce délai. La mise en place d’un contrôle a posteriori pour garantir cette conformité tout au long de la vie du contrat de collaboration Plusieurs actions ont eu lieu ces dernières années pour mettre en place un contrôle a postériori :
2019 : proposition lors des États généraux des Avocats d'introduire un contrôle a posteriori pour garantir le respect des règles professionnelles ;2020 : modification de l’article 14 du RIN votée par le CNB (9 octobre) et adoption par le barreau de Paris de l’article P.14.2.0.1 (8 décembre) ;2021 : préconisation de contrôles réguliers par la Commission Collaboration du CNB et élaboration d’un questionnaire pour les collaborateurs (17 septembre) ;3 novembre 2022 : le CNB met en ligne le modèle de questionnaire à diffuser à tous les bâtonniers pour l’adresser aux collaborateurs. Vous pouvez retrouver ce document ainsi que le rapport de présentation des outils relatifs à la collaboration sur le lien suivant .Comment se passe concrètement le contrôle a posteriori ? Les barreaux doivent effectuer régulièrement ce contrôle, même s'ils décident eux-mêmes du rythme à adopter (annuel, tous les deux ans, etc.). Le contrôle peut être mené par le Bâtonnier, des membres du Conseil de l’Ordre ou des avocats délégués par le Bâtonnier. Comme pour le contrôle a priori, celui-ci porte sur les conditions d’exécution du contrat comme mentionnées plus haut. Pour rappel, il s’agit par exemple des dispositions concernant :Le respect de la clause relative à l’organisation du temps de travail ; Le respect des repos rémunérés ; Le développement de la clientèle personnelle par le collaborateur, tant au niveau matériel qu’au niveau organisationnel ; La commission "Collaboration" du Conseil National des Barreaux a publié en octobre 2023 un rapport sur les pratiques du contrôle a postériori dans les barreaux de l'Hexagone. On peut en tirer une liste de méthodes applicables :
Des questionnaires envoyés aux collaborateurs pour évaluer leurs conditions de travail. Des entretiens entre le collaborateur et un membre du Conseil de l’Ordre pour discuter des conditions d’exécution du contrat. Des visites sur lieu pour observer les conditions de travail. Des alertes basées sur des indicateurs comme un turn-over élevé ou une faible participation aux formations et élections ordinales. S’il constate effectivement des irrégularités dans le contrat, le bâtonnier peut sanctionner conformément au décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 :
En allant de l’avertissement à la radiation ; Le décret du 30 juin 2022 créé par ailleurs une sanction spécifique, consistant à interdire temporairement à un avocat de conclure un contrat de collaboration ou de stage, en cas de manquements graves. Si vous souhaitez avoir une trame de référence pour négocier plus facilement avec le cabinet, le CNB a publié un guide rédactionnel à cet effet.
La commission collaboration et le SEP du barreau de Paris ont publié un rapport sur le contrôle a postériori auquel est adjoint en annexe le questionnaire d’auto évaluation.
Les spécificités relatives à la rupture du contrat : quelle procédure ? La rupture du contrat de collaboration libérale, qu’elle soit à l’initiative du collaborateur ou du collaborant, répond à des règles de confraternité et de délicatesse de la profession d’avocats. S’il n’y a pas de formalisme particulier, vous devez en revanche respecter un délai de préavis, également appelé “délai de prévenance”. Vous pouvez trouver toutes les informations relatives à la procédure dans notre article .
Le règlement des litiges nés d’un contrat de collaboration libérale Faut-il passer par une conciliation ? Tout d’abord, revenons sur un arrêt récent de la Cour de cassation qui a posé le principe suivant : la tentative de conciliation n'est pas légalement obligatoire ; son non-respect ne mène pas à une irrecevabilité automatique de la procédure contentieuse. (C.Cass, pourvoi n°22-10.679, 8 mars 2023).
Toutefois, elle est fortement encouragée et souvent pratiquée comme une étape préalable importante dans la résolution de ces conflits notamment ceux concernant un contrat de collaboration libérale. L’UJA, par exemple, s'engage en sa faveur : "Il serait regrettable que les collaborateurs se privent d'un organe efficace qui permet de nombreuses conciliations dans des délais records."
A la suite de cette décision, la commission “Statut professionnel de l'avocat” du CNB a proposé deux projets de modification de la rédaction des articles 179-1 et 179-5 du décret du 27 novembre 1991, adoptés par l’assemblée générale du 8 décembre 2023 et transmis à la Chancellerie (ndlr : nous sommes toujours dans l'attente de retour de la part du ministère à ce sujet). La procédure de conciliation demeure pour l'instant optionnelle.
Quel est le circuit de règlement des litiges ? Nous vous proposons ci-dessous une infographie récapitulative du circuit du règlement des litiges , en prenant pour exemple celui propre au barreau de Paris :
Pour plus d’informations, nous vous invitons à (re)prendre connaissance des dispositions relatives au règlement des litiges relatifs à un contrat de collaboration présentes dans le décret du 27 novembre 1991.
On peut également faire mention de la commission ad hoc "Harcèlement et discrimination" , qui est dédiée à toutes les situations liées au harcèlement, à la discrimination et aux agissements sexistes.
Saviez-vous qu'elle avait mis en place depuis le mois de septembre 2024 un dispositif de soutien, appelé "Refuge-avocat", qui offre une domiciliation temporaire aux avocats dont l’intégrité physique ou morale est menacée ?
Si vous êtes dans cette situation, ou que vous connaissez un confrère ou une consœur qui se trouve confronté(e) à cette situation :
Contactez l'Ordre des avocats du barreau de Paris à l'adresse suivante : refugeavocat@avocatparis.org ; Un rendez-vous confidentiel sera programmé pour évaluer la situation ; Si nécessaire, une domiciliation temporaire au Centre d'Affaires des Avocats de Paris pourra être accordée pour une durée maximale de 3 mois.
Autres ressources :
Déontologie de la profession d’avocat , L. Julien, C. Benoît, B. Charles, M. Kévin, 7e édition, LGDJ
Règles de la profession d’avocat , B. Stéphane, P. Dominique, W. Thierry, A. Henri, D. André, 2022/2023, Dalloz
Contrôle a posteriori des contrats de collaboration, Des pratiques et des recommandations , Rapport Commission Collaboration CNB, 13 octobre 2023
Décret n° 2022-965 du 30 juin 2022 modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat
Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat
Commissions de conciliation des difficultés de collaboration, le glas aurait-il sonné ? , B. Léonore, Le Mag de l'été, Hors série 2023, UJA
Article 7, Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques