Les difficultés de paiement de la rétrocession dans la collaboration libérale sont sources de litiges . Dans ce genre de situations, il est essentiel d'adopter une démarche méthodique pour défendre ses droits tout en faisant tout son possible pour maintenir des relations professionnelles respectueuses .
Comment faire ? Dans cet article, nous vous guidons à travers les étapes essentielles :
Assurez vos arrières en vérifiant les termes du contrat de collaboration ; Dialoguez avec le cabinet et saisissez la commission “difficulté d’exercice en collaboration libérale” pour une conciliation ; Si la voie amiable est mise en échec, tournez vous vers le contentieux en saisissant le bâtonnier . Conflit sur la rétrocession d’honoraires : que dit le contrat de collaboration ? Lorsque survient un litige concernant la rétrocession d'honoraires, la première étape est de vous référer aux termes de votre contrat de collaboration .
Normalement, votre contrat de collaboration précise les règles qui encadrent notamment la date à laquelle la rétrocession doit être payée. Par exemple, dans le contrat de collaboration type mis à disposition par le barreau de Paris, cette information est précisée à l’article 13-1.
Selon le guide rédactionnel , il est possible que le contrat prévoit des sanctions ou intérêts compensatoires en cas de retard de paiement . Ce n’est pas le cas dans le contrat type mis à disposition par le barreau de Paris, mais vérifiez quand même si votre contrat en prévoit.
Pour mémoire, le contrat de collaboration entre avocats présente quelques spécificités. Nous en avons parlé dans cet article .
Problème de rétrocession d’honoraires : privilégiez la voie amiable Votre rétrocession d’honoraires n’a pas été versée : parlez-en avec le cabinet d’avocats Face à un retard dans le paiement de votre rétrocession, le premier réflexe à avoir est de discuter avec le cabinet . Il est possible que le retard de paiement soit dû à une erreur administrative ou à un simple oubli.
Discuter de manière ouverte et professionnelle va vous permettre de clarifier la situation sans escalade inutile .
Comment devez-vous procéder ?
Abordez le sujet rapidement : ne laissez pas traîner la situation. Nous vous recommandons d’en parler dans les trois jours suivant la date prévue du paiement ;Sollicitez la bonne personne : prévenez l’associé ou un des associés pour qui vous travaillez ; adressez-vous également directement à la personne en charge de la comptabilité et du versement des rétrocessions d’honoraires si c’est une personne différente. Restez professionnel : exposez le problème de façon factuelle, sans reproches ni émotion. Encore une fois, partez du principe que le cabinet est de bonne foi et qu’il ne s’agit que d’une erreur sans intention malveillante particulière ;Privilégiez une discussion de vive voix ou un message sans formalités excessives pour commencer : encore une fois, partez du principe que tout va bien donc abordez le sujet mais avec simplicité et légèreté.Formalisez votre demande par écrit si le problème persiste (J+7 à J+10) Si votre première démarche n’a pas suffi, formalisez votre demande pour poser des bases solides pour la suite .
Pour cela, procédez comme suit :
Envoyez un e-mail clair (J+7) Dans ce message :Rappelez les termes du contrat : mentionnez les dates et les conditions de paiement prévues ;Exposez la situation : notez que la rétrocession d'honoraires n'a pas été versée et demandez une explication ou une régularisation ;Fixez un délai : proposez un calendrier raisonnable pour obtenir une réponse.Passez à la lettre recommandée (J+10) Si l'e-mail reste sans réponse ou si le cabinet ne répond pas favorablement à votre demande, adressez une LRAR dans laquelle vous rappelez votre demande écrite par mail, avec les termes du contrat et le délai de règlement. Mentionnez également votre intention de saisir la commission de “Règlement des difficultés d’exercice en collaboration libérale” (DEC) pour une conciliation.
Astuce : si le cabinet vous répond et soulève une difficulté technique ou de trésorerie, proposez un échéancier. Cela peut favoriser une solution rapide.
En cas d'échec, saisissez la commission DEC pour une conciliation (J+15) 1 : Pourquoi une conciliation ? A Paris, c’est la commission “Règlement des difficultés d'exercice en collaboration libérale” , (DEC), qui traite des conciliations en matière de contrat de collaboration libérale. Même si la Cour de cassation (C.Cass, pourvoi n°22-10.679, 8 mars 2023) a précisé que cette démarche n'est pas obligatoire avant une procédure contentieuse, elle est fortement recommandée pour éviter le contentieux et trouver une solution à l’amiable.
2 : Procédure de saisine de la commission et audience Cette saisine se fait :
Soit par une requête envoyée à l’adresse dec@avocatparis.org ; Soit par une LRAR envoyée à l’adresse suivante : Ordre des avocats – Centre de Règlement des litiges professionnels, 4 boulevard du Palais CS 80420, 75053 PARIS CEDEX 01. La requête doit comporter :
La description du litige ; Les points de désaccord et les demandes, y compris les montants chiffrés ; Les documents justificatifs (comme le contrat de collaboration et les échanges de correspondances). Les coordonnées de chaque partie impliquée, ainsi que celles des conseillers, si vous en avez. Vous devrez transmettre ce courrier et les pièces à votre cabinet qui devra lui aussi envoyer ses observations concernant la demande jointe à l'envoi avant la tentative de conciliation.
Les parties sont invitées par courrier électronique, au moins huit jours à l’avance sauf urgence , à se présenter devant la DEC.
En vertu du principe du contradictoire, une réunion peut être organisée . L’avocat collaborateur et le cabinet d’avocats sont alors invités à présenter leurs arguments en présence de plusieurs membres du Conseil de l’Ordre. Selon l’évolution des débats, la commission peut se réserver la possibilité d’entendre les parties séparément, voire seulement leurs conseils. Si vous êtes malade le jour de l’audience, vous pouvez demander à vous faire représenter.
3 : Quelles issues pour la conciliation ? La conciliation ne se conclue que de deux façons :
Si un accord est trouvé sur l’ensemble du litige ou une partie, il est consigné par écrit. Cet accord a force exécutoire. Si l’une des parties ne respecte pas les conditions de l’accord, elle risque des poursuites disciplinaires voire même un préjudice ouvrant droit à réparation par l’octroi de dommages et intérêts ;Si la conciliation ne débouche pas sur un accord , soyez rassurés sur le fait qu’elle est placée sous le sceau de la confidentialité. Ainsi, rien de ce qui sera dit ou transmis au titre des pièces du litige, ne pourra être utilisé contre vous. Vous pouvez poursuivre la procédure en passant cette fois à l’étape de l’arbitrage, cette fois auprès du bâtonnier.
Bon à savoir : si votre situation spécifique nécessite des informations sur mesures et complémentaires à cet article, vous pouvez adresser une demande aux services suivants :
Quelle démarche pour saisir le bâtonnier concernant votre litige ? Comment saisir le bâtonnier ?
Vous pouvez saisir le bâtonnier :
Par LRAR à l’adresse : Maison du Barreau (1er étage) 2 rue de Harlay 75001 Paris ; Par courrier électronique à l’adresse dec@avocatparis.org ; Par pli remis contre récépissé. Le secrétariat du Centre de règlement des litiges transmet directement l’issue de la conciliation au bâtonnier afin qu’il puisse prendre connaissance du dossier.
Contenu de la réclamation
Vous devez inclure dans votre demande de saisine, en plus des pièces liées à la demande :
Vos informations personnelles ou professionnelles (nom, adresse postale ou email) et, si nécessaire, le nom et les coordonnées de votre conseiller ; Les informations personnelles ou professionnelles (nom, adresse postale ou email) du défendeur, et, si nécessaire, le nom et les coordonnées de son conseiller ; Une explication concise du problème, de vos demandes et des actions que vous souhaitez voir prises contre le cabinet. Transmettez une copie de ces éléments au cabinet et à son conseil.
Le bâtonnier a compétence pour allouer certaines sommes au titre des frais irrépétibles et pour statuer sur les dommages et intérêts, si vous en faîtes la demande.
Instruction du dossier par le bâtonnier
Dès l’enregistrement de la demande, le bâtonnier, ou son délégué, organise la procédure. Il fixe les dates importantes, notamment :
Les délais pour échanger les arguments écrits et les preuves entre les parties avec la date de clôture de l'instruction, La date, l'heure et le lieu de l'audience où les avocats présenteront leurs arguments. Ce calendrier, ainsi que toutes les correspondances transmises au bâtonnier, sont envoyés par email aux parties et à leurs avocats.
Une LRAR est envoyée aux deux parties au moins 8 jours avant la date de l’audience et vaut convocation.
Déroulement des audiences
Les audiences sont ouvertes au public mais peuvent être rendues privées si une partie le demande ou si la publicité risque de porter atteinte à la vie privée.
Après l'audience, le représentant du bâtonnier fixe une date pour rendre sa décision qui est envoyée par LRAR aux deux parties et à leurs avocats.
En règle générale, le bâtonnier doit rendre sa décision dans les 4 mois suivant la saisine, sauf en cas de prolongation motivée (maximum 4 mois supplémentaires) ; En cas d'urgence, à la demande de l’une des parties, la décision doit être rendue dans un délai d'un mois. Si le bâtonnier dépasse ces délais sans décision, l'affaire passe automatiquement sous la juridiction de la cour d'appel.
Notification de la décision
La décision du bâtonnier est notifiée aux deux parties par le secrétariat du Conseil de l’Ordre par LRAR. Les deux parties peuvent faire appel dans un délai d’un mois à compter du jour de la notification. Ce délai suspend l’exécution de la décision du bâtonnier. Le recours peut être formé par LRAR, lettre recommandée en ligne, ou via le RPVA depuis le 1er septembre 2020. Faute d’appel dans ce délai, la décision du bâtonnier est définitive.
Quelles sont les sanctions habituellement prises par le Conseil de l’Ordre ? Le bâtonnier peut :
Ordonner le paiement des rémunérations Ordonner une provision Ordonner des mesures conservatoires Les décisions prises par le bâtonnier sont de droit exécutoires à titre provisoire lorsqu’elles ordonnent le paiement des rémunérations dans la limite maximale de 9 mois de rétrocessions.
Dans les autres cas, il faut demander la formule exécutoire au président du tribunal judiciaire.
Comment demander la formule exécutoire ?
Voici la procédure :
Adressez une demande de copie des avis de réception de la notification de la décision aux parties, à l'adresse e-mail suivante : dec@avocatparis.org . Faîtes une demande de certificat de non-appel, à envoyer ou déposer au greffe de la Cour d'appel de Paris. Pour “l’exécutoire”, déposez votre demande au service de la délivrance des exécutoires des décisions du bâtonnier à l’adresse suivante : Palais de Justice, Escalier L, Bureau 303, 4 boulevard du Palais, 75053 Paris . Rétrocession d’honoraires impayée : saisir la Cour d’appel en dernier recours Si aucune solution qui vous convient n’est trouvée, vous pouvez faire appel de la décision du bâtonnier.
Il faudra pour ce faire envoyer une LRAR au greffe de la cour d'appel, ou déposer directement la demande au greffe contre un récépissé. Vous avez un mois pour introduire ce recours.
Audience devant la Cour d’appel
La cour d'appel examine l'affaire en présence des parties. Par défaut, l'audience est à huis clos, mais vous pouvez demander qu'elle soit publique.
La décision de la cour d'appel est notifiée aux parties par le greffe par LRAR. Une fois notifiée, la décision d’appel doit être exécutée par les parties. Si la partie perdante ne se conforme pas, des mesures d’exécution forcée peuvent être prises.
Si votre litige concerne le non versement de rétrocessions d’honoraires pendant le délai de prévenance suite à une rupture du contrat de collaboration , la procédure reste la même que celle détaillée ci-dessus.
Ressources :
Conflits entre avocats : comment cela fonctionne-t-il ? , F. Frédéric, Village de la Justice
Article 16, décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat
FAQ “Collaboration libérale - règlement des litiges”, site du Barreau de Paris
Annexe XXIII de la juridiction du bâtonnier dans les litiges entre avocats, site du Barreau de Paris
Règlement Intérieur National de la profession d'avocat
Règles de la profession d’avocat , B. Stéphane, P. Dominique, W. Thierry, A. Henri, D. André, 2022/2023, Dalloz