Les avocats portent une robe pour des raisons historiques et symboliques, qui se perdent parfois dans les légendes de la profession . Elle trouve son origine au Moyen-Âge, où elle marquait le respect judiciaire et la solennité des institutions . Son évolution a suivi les contours de l’Histoire de France et des relations entre la Justice et le pouvoir régalien.
Aujourd'hui, alors que son port a été rendu obligatoire par la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, elle symbolise l'égalité , la neutralité et l'impartialité dans l'exercice de la justice. Elle répond enfin à un code déontologique strict.
Les origines de la robe d’avocat L’origine laïque de la robe d’avocat Plusieurs histoires entourent l’origine de la robe d’avocat , dont beaucoup sont liées à la religiosité. Or les auteurs du manuel sur Les règles de la profession d’avocat nous apprennent que la robe “n’est pas d’origine religieuse, mais bien d’origine laïque. ”
En réalité, les nobles italiens portaient une robe pour marquer leur appartenance à une certaine classe sociale . Au XIème siècle, ce marqueur social aurait été introduit en France. Les avocats , comme d’autres professions appartenant à une classe sociale élevée, ont ainsi adopté le port de la robe , noire, comme symbole de puissance .
Les ordres des avocats, et leur robe, vont être supprimés par l’Assemblée nationale constituante par décret du 2 septembre 1790. Leur proximité avec l’organisation judiciaire de l’Ancien Régime n’étant pas du goût des révolutionnaires. L’avocat n’est ainsi plus considéré comme indépendant ni membre d’une profession réglementée .
Le costume fut rétabli par l'article 6 de l'arrêté des consuls du 2 Nivôse an XI (23 décembre 1802) : «Aux audiences de tous les tribunaux, les gens de loi et les avoués porteront la toge de laine fermée par devant, à manches larges ; toque noire ; cravate pareille à celle des juges ; cheveux longs ou ronds».
Quant au titre d'avocat il fut réintroduit par la loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) relative aux écoles de droit. Le décret impérial du 30 mars 1808 contenant règlement pour la police et la discipline des cours et tribunaux synthétisa ces deux dispositions en son article 105 : «Les avocats, les avoués et les greffiers porteront dans toutes leurs fonctions, soit à l'audience, soit au parquet, soit aux comparutions et aux séances particulières devant les commissaires, le costume prescrit».
Enfin, à l’occasion du rétablissement de l’Ordre des avocats , l’article 35 du décret impérial du 14 décembre 1810 contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat et la discipline du barreau , compléta la robe d’une épitoge herminée appelée chausse : « Les avocats porteront la chausse de leur grade de licencié ou de docteur…». C’est sous Louis-Philippe que l’avocat sera rétabli dans son indépendance.
D’autres histoires du folklore de la profession d’avocat, liées à cette dimension religieuse mettaient en avant le nombre de boutons sur cet habit. En effet, la toge, selon ces dires, en comportait 33, comme l’âge du Christ à sa mort. Cette pratique n’a semble-t-il jamais existé, “chacun ayant toujours été libre d’y mettre autant de boutons qu’il le souhaite. ”
Comme vous le voyez, les origines exactes de la robe de l’avocat semblent avoir été maquillées par des légendes. Néanmoins, cela vous montre le poids symbolique qui réside dans cet habit, symbole de puissance et de dignité, de justice et de neutralité, et dans cette profession à part.
La robe d’avocat comme illustration des principes déontologiques de la profession La robe est une marque de dignité professionnelle de l'avocat, de respect envers la Justice . L’avocat, en portant la robe, témoigne de “sa déférence sans servilité ” envers les auxiliaires de justice , “alliée au souci de sa propre dignité et de son indépendance ”. Il est donc un partenaire de justice, “qui participe à l’oeuvre de justice avec les autres acteurs. "
Un autre principe déontologique est l’égalité entre avocats , qui s’exprime par le fait que tous portent la même robe noire.
Pourquoi cette robe au final ? Deux raisons principales commandent à l’usage de cet habit :
souligner l’autorité qui s’attache à l’exercice d’un service aussi important que celui de la justice ; assurer une certaine tenue et une égalité d’apparence entre les membres d’un barreau . Comme l’écrivait George Bohy dans son livre Gens de robe, grandeur et servitude de la profession d’avocat, “La toge fait entrer l’homme dans sa peau d’avocat, dans sa mentalité d’avocat, dans son indépendance, dans son assurance, dans son autorité d’avocat. ”
Les caractéristiques de la robe d’avocat Vous le comprenez donc, la robe d’avocat est bien plus qu’un simple vêtement. Ses différents éléments sont distinctifs des autres, et portent une réelle symbolique.
Les éléments caractéristiques, dont ses trois accessoires , de la robe d’avocat sont :
La couleur noire ; Les manches larges ; Le rabat blanc appelé « bavoir », qui est plissé ; L’épitoge, qui est une pièce de tissu noir portée sur l’épaule gauche de l’avocat . Elle peut arborer une ou plusieurs bandes blanches à l'extrémité, selon le rang de l’avocat. Il s’agit du reliquat de l’ancienne capuche à fourrure de la robe religieuse. Par exception, l’épitoge des avocats parisiens est dite « veuve », donc sans hermine. Ils ont ainsi choisi de réserver le port de l’épitoge aux cérémonies officielles et solennelles.
L’origine véritable de ce retrait a fait l'objet d'histoires très romanesques. Certains considèrent qu’il s’agit d’une défiance des avocats parisiens à l’encontre de Napoléon III qui voulait leur faire prêter serment. D’autres qu’il s’agit d’un acte des avocats lors du procès de Marie-Antoinette, qui avait été guillotinée, signifiant qu’ils continuaient de porter son deuil. Enfin, d’autres affirment que ce serait pour porter le deuil de Malesherbes, lequel avait défendu Louis XVI, ce qui lui avait valu d’être guillotiné. En réalité, les avocats parisiens sont simplement restés fidèles à la tradition de l'Ancien Régime
La robe de l’avocat peut également être accompagnée de gants blancs, lors des cérémonies. Cela dépend du barreau où il prête serment ; Elle possède une traîne faisant référence à la noblesse du métier mais qui est aujourd’hui rabattue à l’intérieur. Elle peut être déployée lors de cérémonie d'enterrement de confrère. La toque , qui désigne aujourd’hui le casier personnel de l’avocat au palais de justice lui servant à recevoir les courriers des juridictions et des confrères, désignait auparavant un chapeau rond qui avait la même fonction.
Le saviez-vous ? La légende raconte que l’avocat n’aura que trois robes dans sa vie, la première faisant son apparition à l’occasion de l’inscription au barreau . Selon Me Gabet, ancien bâtonnier du Barreau de Seine-Saint-Denis : « On prête serment dans la première, on gagne sa vie dans la deuxième, et on meurt dans la troisième. » .
L’évolution de la robe d’avocat au fil du temps, a vu certains usages relatif à l’habit tomber en désuétude. Elle porte néanmoins encore aujourd’hui le poids de l’héritage de cette profession au travers des éléments qui la composent. Elle fait également l’objet de règles strictes pour son port.
Les règles du port de la robe d’avocat Quand les avocats doivent-ils porter la robe ? La règle concernant le port de la robe d’avocat se trouve dans l’article 3 de la loi du 31 décembre 1971.
En effet, les avocats ne peuvent la porter que « dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires » , c’est-à-dire uniquement lors des audiences. Il portera la robe devant certaines commissions exerçant des fonctions juridictionnelles , comme par exemple la commission de discipline des ordres professionnels .
Quelques exceptions existent : lors d’événements ou de cérémonies organisées dans l’intérêt de la profession, comme la prestation de serment ; à l’occasion de l’enterrement d’un autre avocat. Ce faisant, ils sont tous sur un même pied d’égalité.
A l'inverse, porter la robe quand vous n’y avez pas le droit est puni par la loi (art.433-14 code pénal). L'article 259 du code pénal punit la personne qui le fait d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. La sanction est portée à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende quand cela vous a permis de commettre une infraction (art.433-16 du code pénal).
Egalement, l'avocat ne peut plus porter la robe lorsqu'il est sanctionné à l'occasion d’une procédure disciplinaire , d'une mesure de suspension provisoire, d'interdiction temporaire ou d'une peine d'interdiction d'exercice professionnel.
L’interdiction du port de signes distinctifs sur la robe d’avocat Depuis plusieurs années, la question du port de signes distinctifs, notamment religieux, avec la robe d'avocat avait suscité des discussions au sein de la profession. Certains barreaux, comme celui de Paris en 2015, ayant adopté des règlements interdisant ces signes.
En mars 2022, la Cour de cassation avait validé une délibération du barreau de Lille interdisant le port de décorations ou de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, philosophique, communautaire ou politique avec la robe. La Cour a reconnu que, en l'absence de disposition législative spécifique, il appartenait aux conseils de l'ordre de réglementer le port du costume professionnel (Cass. 1re civ., 2 mars 2022, no 20-20185).
En septembre 2022, la Conférence des bâtonniers a recommandé d'interdire le port de signes manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique ou politique avec la robe, soulignant la nécessité d'une position unifiée.
Pour clarifier la situation, le Conseil national des barreaux (CNB) a sollicité un avis du conseiller d'État Christian Vigouroux. En avril 2023, cet avis a préconisé le port de la robe sans signe distinctif lors des audiences juridictionnelles ou disciplinaires, s'appuyant sur l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 qui impose un costume unique pour les avocats.
Après consultation des barreaux et des syndicats professionnels, le CNB a tranché la question lors de son assemblée générale du 7 septembre 2023. Il a décidé d'insérer dans le Règlement intérieur national (RIN) un nouvel article 1.3 bis intitulé « Port du costume de la profession » libellée comme suit : « Ainsi qu’il est prévu à l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats « revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession ». L’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe. »
Les décorations (comme la Légion d'honneur ou d'autres distinctions officielles) n'étaient pas spécifiquement visées par cette recommandation, car elles ne sont pas considérées comme un signe d'appartenance à une opinion ou une communauté.
Que se passe-t-il si l’avocat oublie sa robe ? Le port de la robe est une obligation professionnelle, comme le rappelle le code de déontologie du barreau de Paris : “Le port de la robe est obligatoire en toutes matières et en ce compris aux audiences de mise en état que peut organiser le pôle social du tribunal. Comme en toutes matières, l’avocat doit avoir revêtu la robe, tête découverte, tenue boutonnée, avant de pénétrer dans la salle d’audience. Le comportement à la barre doit être digne. “
Sa méconnaissance peut valoir à l’avocat qui s’en rend coupable, une sanction disciplinaire, comme prévue à l'article 183 du décret du 27 novembre 1991, à savoir :
l’avertissement ; le blâme ; l’interdiction temporaire d'exercice (jusqu'à 3 ans, avec possibilité de sursis) ; la radiation ou retrait de l'honorariat. La sévérité de la sanction dépendra des circonstances spécifiques de l'oubli et des antécédents disciplinaires de l'avocat. Un oubli isolé pourrait entraîner une sanction moins sévère qu'un manquement répété à cette obligation professionnelle, lequel pourrait aussi amener à l’ouverture d’une enquête déontologique .
Sources :
Interdiction générale du port de signes distinctifs sur la robe d’avocat, Dalloz Actu Etudiant
La robe de l’avocat : son origine, son aspect, sa symbolique, G. Jessica, 21 avril 2021
Les 33 boutons de la robe d'avocat, mythe ou réalité, L’Artisan Costumier
L’avocat et ses symboles, B. Julie, C.Isciane, R. Lucie, Dalloz Actu Etudiant, 4 octobre 2019
[Le point sur...] Que la force cède à la robe !, B. François-Xavier, 5 février 2020
Focus sur l’ordre des avocats , Dalloz Actu Etudiant
Costume professionnel de l’avocat : exit tout signe distinctif, G. Laurence , Gazette du Palais, 7 septembre 2023