La procédure disciplinaire chez les avocats a connu une refonte récente via :
La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ; Le décret du 30 juin 2022. L’objectif était d’introduire plus d’efficacité et de transparence :
L’avocat est soumis à des obligations déontologiques strictes dès son inscription au barreau , qui doivent lui permettre d’exercer sa profession avec une discipline et une exemplarité morale maximales.
S’il ne respecte pas son serment , la procédure disciplinaire est le recours pour rétablir l’ordre des choses.
Nous allons voir qu’elle obéit à une grande rigueur sur la forme et le fond, avec des étapes bien précises, pour éviter les éventuels abus. Cette rigueur, ne peut néanmoins masquer des zones de flou, comme la place exacte du plaignant, dont la participation est sujette à interrogations.
Quelles sont les grandes étapes d'une procédure disciplinaire contre un avocat ? Focus sur la saisine du bâtonnier par le plaignant au travers de la réclamation Le plaignant peut s’identifier comme toute personne physique ou morale, ou d’un tiers, c’est à dire une personne qui n’est pas avocate .
Pour saisir le bâtonnier , le plaignant doit lui adresser une réclamation formelle avec les informations suivantes :
Le nom de la juridiction devant laquelle vous faîtes la demande (le bâtonnier du barreau de XX) ; L’objet de la demande ; Votre nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; Si vous aviez entrepris une action de conciliation , de médiation ou de procédure participative ou non ; le cas échéant, quelles demandes et quels résultats ; Le nom, prénom et domicile de l’avocat poursuivi ; Les pièces sur lesquelles la demande est fondée ; La date d’envoi et votre signature. Soyez extrêmement attentif à faire figurer les éléments d’identification et les informations sur les faits reprochés. Leur absence vaudra irrecevabilité de la demande .
Il peut s’agir de :
une LRAR une lettre électronique avec accusé de réception une remise en main propre contre récépissé un acte de commissaire de justice Cette réclamation sera faite au préalable de la requête (et incluse dedans) formulée à la juridiction du conseil de discipline .
Focus sur la saisine de la juridiction disciplinaire par le plaignant au travers de la requête La saisine directe de la juridiction disciplinaire est une autre nouveauté de la réforme.
La requête contient, à peine de nullité, les mentions prescrites par l'article 57 du code de procédure civile et par l’article 54 du même code, à savoir :
L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ; S'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ; L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ; L'objet de la demande ; Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ; La date d’envoi et votre signature Les éléments issus de la procédure de conciliation, si le plaignant y a eu recours ; dans le cas contraire, les justifications du non recours. Elle est accompagnée des pièces justificatives.
Les dernières étapes de la saisine sont :
Le président de la juridiction disciplinaire va recevoir la requête et va saisir le conseil de l’Ordre dont relève l’avocat poursuivi ; L’acte de saisine du conseil de l’ordre est transmis par le président au plaignant ; Le plaignant doit ensuite le transmettre à l’avocat poursuivi par tout moyen conférant date certaine de réception. Focus sur l’instruction par le rapporteur dans la procédure disciplinaire Le rapporteur peut entendre toute personne susceptible d'éclairer l'instruction . Il agit avec pour principes moteurs, l’objectivité, l’impartialité et le contradictoire .
Il doit informer l'avocat poursuivi de l'audition éventuelle d'un tiers et l'invite à assister à l’audition . L'avocat poursuivi peut demander à être entendu et peut se faire assister d'un conseil. Toute audition est suivie d’un PV qui est signé par le rapporteur et la personne entendue.
Le rapport (qui comprend les éléments issus de l’enquête et de l’instruction) peut être transmis à l’avocat poursuivi s’il le demande.
Toutes les pièces du dossier disciplinaire (rapports d'enquête et d'instruction, réclamation et requête) sont cotées et paraphées. L’avocat poursuivi reçoit une copie, en version papier ou numérisée, s’il le demande.
Focus sur la convocation à l’audience dans la procédure disciplinaire La convocation comporte obligatoirement :
L'indication précise des faits reprochés ; La référence aux dispositions législatives ou réglementaires précisant les obligations auxquelles il est reproché à l'avocat poursuivi d'avoir contrevenu ; Le cas échéant, une mention relative à la révocation du sursis ; L’information pour l’avocat poursuivi de sa faculté à demander que l’audience soit présidée par un magistrat. Le plaignant peut demander à être entendu et le secrétariat de la juridiction disciplinaire l’informe de la date d'audience.
Le procureur général est avisé de la date d'audience à laquelle il peut assister. La juridiction disciplinaire lui communique le dossier, s’il le souhaite.
Focus sur l’audience dans le cadre de la procédure disciplinaire L’audience se déroule dans la commune où se situe le siège de la cour d’appel .
L’avocat poursuivi doit être présent en personne, mais il peut également se faire assister par un autre avocat .
Dans deux cas, l’audience est présidée par un magistrat :
Lorsque le conseil de discipline est saisi à la demande d’un tiers ; Lorsque l’avocat poursuivi en fait la demande. Ces conditions valent uniquement pour les affaires relevant de ces situations.
Au cours de l’audience, le président de la juridiction disciplinaire donne successivement la parole :
Au bâtonnier ; Au procureur général , si c’est lui qui a engagé la procédure disciplinaire ; À l’auteur de la réclamation, si celui-ci a demandé à être entendu. Le ministère public n’est obligé d’assister à l’audience que lorsqu’il est partie principale à l’affaire. Sinon, il peut simplement transmettre son avis par écrit, mis à la disposition des parties, ou le présenter oralement à l’audience.
Si le décret du 27 novembre 1991 ne prévoit pas de modalité particulière pour l’audience, référez-vous aux règles de procédure utilisées dans le cadre du code de procédure civile.
Focus sur les voies de recours dans la procédure disciplinaire de l’avocat L’appel dans le cadre de la procédure disciplinaire de l’avocat La décision de l'instance disciplinaire peut être contestée par :
L'avocat poursuivi ; Le bâtonnier ; Le procureur général. La loi n’a pas expressément prévu la possibilité pour le plaignant , auteur de la réclamation, d’interjeter appel . La situation fait l’objet de débats :
Avec d’un côté, comme dans leur manuel sur les “Règles de la profession d’avocat” , des auteurs qui précisent que, comme il a la qualité de partie à l’instance disciplinaire, ne pas pouvoir interjeter appel, ou se pourvoir en cassation, paraît surprenant. Et d’un autre côté, la conférence des bâtonniers, dans son "Guide de la discipline des avocats" , souligne que “Le plaignant à l’origine de la réclamation n’est pas véritablement une partie à la procédure, le texte ne lui confère pas la possibilité de faire appel de la décision disciplinaire. ” L'appel est formé et jugé selon les modalités de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 :
Par LRAR ou remis contre récépissé au directeur de greffe ; Dans un délai d’un mois ; Avec un caractère suspensif. Avec la modification apportée par la loi du 22 décembre 2021 , un échevinage modifie la formation de jugement. La cour d'appel comprend désormais :
Trois magistrats du siège (dont un président), Deux membres des conseils de l'ordre du ressort de la cour, Deux membres suppléants. Le délai d'appel suspend l'exécution de la sanction disciplinaire . En conséquence, la sanction produit ses effets à l’expiration du délai d’appel , ou, en cas d’appel, à compter de la notification de l’arrêt de la cour, le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif.
Le plaignant ne sera informé du dispositif de la décision qu’une fois que les voies de recours auront été épuisées.
Le pourvoi en cassation dans le cadre de la procédure disciplinaire de l’avocat La représentation se fait, pour le bâtonnier, et l’avocat poursuivi, par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.
Le procureur général , de son côté, doit former le recours par une déclaration remise au greffe de la cour de cassation.
La déclaration doit contenir les informations suivantes :
Noms, prénoms et domicile du demandeur ; Noms, prénoms et domicile du défenseur ; Décision attaquée en précisant le ou les élément(s) contesté(s) ; L'acte de constitution de votre avocat et sa signature. Le dépôt de la déclaration doit se faire dans les 2 mois à partir du jour où la décision vous a été signifiée par un commissaire de justice.
Par ailleurs, si le bâtonnier a été partie en première et seconde instance, et a argumenté en faveur des poursuites engagées, il ne peut plus être partie en cassation, et son pourvoi est irrecevable (Civ. 1ère, 14 oct. 2010, n° 09-16.495 et 09-69.286).
Quelles sont les sanctions disciplinaires possibles contre un avocat ? Le régime des sanctions est posé par les articles 183 et 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.
Les peines disciplinaires principales sont hiérarchiquement :
L'avertissement ; Le blâme ; L'interdiction temporaire d’exercice, qui ne peut excéder trois années mais qui peut être assortie d'un sursis ; La radiation ou le retrait de l’honorariat. La juridiction disciplinaire peut appliquer des peines complémentaires (intégrées par le décret n° 2022-965 du 30 juin 2022).
La peine d’interdiction temporaire relative au contrat de collaboration ou au contrat de stage avec un élève avocat est une nouveauté de la réforme qui s’adresse notamment aux situations de harcèlement et de discrimination .
Est-ce qu’il est possible d’engager une procédure pénale en parallèle de la procédure disciplinaire ? Oui. Les procédures disciplinaires et pénales peuvent se faire parallèlement. Vous n’avez pas besoin de saisir le bâtonnier ou le conseil de l’Ordre préalablement à une plainte et une saisine auprès du procureur général . Ce-dernier pourra lui-même saisir la juridiction disciplinaire s’il le juge utile.
Par ailleurs, par principe, la sanction pénale à finalité disciplinaire s’ajoute à la sanction disciplinaire prononcée pour les mêmes faits, car elles sont de natures différentes. Elles s’appliqueront successivement.
Quelle place pour le plaignant dans la procédure disciplinaire ? Comme indiqué plus haut, on s’interroge encore sur la véritable place du plaignant dans toute la procédure. Est–il une partie à l’instance ou est-il cantonné à la saisine de la juridiction disciplinaire ? Quelle transparence vis à vis de l’accès aux pièces ? Comment peut-il défendre ses demandes tout au long des différentes étapes ?
Florent Loyseau de Grandmaison rappelait dans un de ses articles que, la source de cette obscurité venait notamment du flou qui entourait la nature exacte de cette procédure disciplinaire. De quoi lui donner un statut sui generis .
Toujours est-il que “Désormais, dans le cadre de la réforme, l’initiateur de la réclamation, puis, le cas échéant, de la requête, devra respecter l’article 57 du CPC, qui ne s’impose qu’au demandeur ou aux parties, pour finalement ne jamais accéder à la qualité de partie, lors de l’instance au fond. ” L’auteur ajoutait que, pour pallier cette absence, le plaignant pouvait faire appel au dispositif de l’article 330 du code de procédure civile, à savoir l’intervention volontaire à titre accessoire, aux côtés de l’autorité de poursuite.
Sources :
Le nouveau guide de la discipline des avocats , Conférence des bâtonniers, juillet 2022
Circulaire de présentation de la réforme de la discipline des avocats , ministère de la Justice, 9 nov. 2022
Réforme de la procédure disciplinaire : une obscure clarté , F. LOYSEAU DE GRANDMAISON, Gazette du Palais, n°26, 30 août 2022